L’homme fluidique ou hyper-homme chez Paul Otlet (1868-1944). Une perspective transhumaniste complexe

Cet article propose une relecture des travaux de Paul Otlet en les situant non seulement dans l’histoire des sciences de l’information (réseaux, proto-hypertexte, organisation des connaissances), mais aussi dans une proximité conceptuelle avec certaines logiques transhumanistes contemporaines. À partir du Traité de documentation (1934), de Monde, essai d’universalisme (1935) et d’éléments de contexte (réseaux savants, collaborations institutionnelles et architecturales autour du Mundaneum), il met en évidence une vision d’une humanité “augmentée” par des machineries intellectuelles : dispositifs documentaires, instruments d’enregistrement et “cerveaux auxiliaires” destinés à étendre les capacités de perception, de mémoire, de coordination et d’action. L’article analyse ensuite la pluralité des influences d’Otlet (scientifiques, politiques, spirituelles), ses affinités avec l’idée de noosphère et l’imaginaire du “cerveau mondial” (notamment en résonance avec H. G. Wells), ainsi que la manière dont la documentation est pensée comme infrastructure d’intelligence collective. Il montre enfin que l’hyperdocumentation, conçue comme stade ultime fusionnant sens, perception et document, s’accompagne d’une figure de l’“hyper-homme” (ou homme “fluidique”), articulant extension technique de l’esprit et horizon prométhéen de dépassement des limites humaines. L’ensemble conduit à interpréter l’utopie documentaire otlétienne comme un projet d’augmentation cognitive et civilisationnelle, adossé à une politique du savoir et à une ambition de transformation du monde.

Olivier Le Deuff. L’homme fluidique ou hyper-homme chez Paul Otlet (1868-1944). Une perspective transhumaniste complexe. Revue des Sciences Humaines, 2021, 341, pp.81-100. ⟨10.4000/rsh.415⟩ (lien externe). ⟨hal-05425402⟩ (lien externe)